Par Pr Eric BOULANGER - Directeur médical du programme tempoforme®
septembre 2025
L'inflammaging désigne une inflammation chronique qui s'installe silencieusement dans notre corps avec l'âge. Comprendre ce mécanisme est essentiel pour préserver sa santé, rester actif et prévenir les signes de fragilité.
Des recherches récentes, notamment une étude publiée dans Nature Aging, bouleversent notre compréhension de ce phénomène. En comparant quatre populations très différentes, les chercheurs ont découvert que l'inflammaging ne suit pas les mêmes règles partout dans le monde.
Cette découverte révèle comment cette inflammation silencieuse agit sur notre organisme et comment nous pouvons la moduler par nos choix quotidiens.
Une inflammation silencieuse qui ne touche pas tout le monde de la même façon
L'inflammaging peut se comparer à une petite braise qui couve dans notre corps. Elle ne fait pas mal et ne se voit pas, mais elle agit doucement sur nos organes, nos muscles et notre système immunitaire.
Les scientifiques ont longtemps pensé que cette inflammation était universelle. Ils ont mesuré sept marqueurs inflammatoires spécifiques dans le sang. Ces substances, appelées cytokines, sont comme des messages d'alerte que nos cellules s'envoient.
Mais la grande surprise de cette étude internationale est que ces marqueurs ne fonctionnent pas de la même manière partout.
Chez les populations industrialisées d'Italie et de Singapour, ils augmentent effectivement avec l'âge. En revanche, chez les Tsimane d'Amazonie, l'âge n'influence pratiquement pas ces marqueurs inflammatoires. Chez les Orang Asli de Malaisie, l’effet de l’âge est présent mais très faible : ces marqueurs n’augmentent que très légèrement avec les années.
Cette découverte signifie que l'inflammaging n'est pas une fatalité universelle du vieillissement. Elle dépend largement de notre environnement et de notre mode de vie.
Le cercle vicieux de l'inflammation : quand nos défenses s'emballent
Le mécanisme de l'inflammaging fonctionne comme un cercle vicieux, mais son intensité varie selon notre contexte de vie.
Voici comment il se déroule :
- Le déclenchement : nos cellules détectent des signaux de stress dans l'organisme, par exemple la pollution, la mauvaise alimentation ou le manque de sommeil.
- L'amplification : ces signaux déclenchent une réaction inflammatoire qui envoie encore plus de messages de danger.
- L'auto-entretien : ces nouveaux signaux activent d'autres cellules, créant une spirale qui maintient l'inflammation même après disparition du stress initial.
C'est comme un système d'alarme qui se déclenche de manière prématurée, ou pas, et, tout seul finit par faire de l'auto-allumage.
Dans notre équipe de recherche, nous avons identifié le récepteur RAGE (Receptor of Advanced Glycation End-products) comme un des récepteurs fortement impliqué dans l’inflammaging. Les souris dont le RAGE a été invalidé (retiré du génome) sont protégées du vieillissement artériel et rénal physiologique. Notre hypothèse est que le RAGE est au centre de cet auto-allumage. Nous développons actuellement des molécules (donc de potentiels médicaments) pour bloque le RAGE (Pour en savoir plus, voir les liens à la fin de cet article)
L'étude révèle une information cruciale : dans les populations industrialisées, ces marqueurs inflammatoires permettent de prédire les maladies liées à l'âge comme le diabète ou les troubles rénaux. Dans les populations non-industrialisées, ce n'est pas le cas.
Cela suggère que notre mode de vie moderne amplifie considérablement ce processus inflammatoire.
Pourquoi certaines personnes vieillissent-elles plus vite ?
La différence de vieillissement entre individus et entre populations s'explique par la manière dont l’inflammation liée à l’âge s’installe dans le corps. Chez certains, elle progresse vite, chez d’autres, beaucoup plus lentement.
Les recherches identifient 3 grands facteurs déterminants :
- L’environnement : l’exposition aux pathogènes, la pollution, le stress chronique et l’isolement social.
- Le mode de vie : alimentation, activité physique, sommeil et récupération. Les aliments ultra-transformés stimulent l’inflammation, contrairement aux régimes traditionnels riches en végétaux. La sédentarité amplifie les signaux inflammatoires.
- Les facteurs individuels : gènes, accumulation de dommages cellulaires avec l’âge, hormones et sexe.
Ces facteurs s’additionnent : vivre dans un environnement stressant et pollué, adopter une alimentation déséquilibrée et être peu actif favorise l’inflammaging. À l’inverse, des choix de vie adaptés permettent de réduire son intensité et de compenser en partie la prédisposition génétique ou l’effet de l’âge.
Des gestes simples pour calmer la braise et apaiser l'inflammation
Il existe des actions concrètes et efficaces pour limiter l'inflammaging et rester actif, inspirées des différences observées entre populations.
Bouger régulièrement
L'activité physique agit comme un extincteur sur la braise, empêchant l'inflammation de s'intensifier. L'exercice produit aussi des substances qui calment nos systèmes d'alerte.
Pas besoin de devenir sportif : 30 minutes de marche rapide par jour, quelques étirements ou des exercices de renforcement musculaire 2 à 3 fois par semaine suffisent. Ces exercices maintiennent équilibre, mobilité et force, essentiels pour rester autonome.
Bien s'alimenter
Certains aliments réduisent les signaux de danger perçus par nos cellules : fruits et légumes colorés, légumineuses, poissons riches en oméga-3 comme le saumon.
À l'inverse, les produits ultra-transformés, riches en sucres et graisses saturées, stimulent l'inflammation. L'étude montre que les populations non-industrialisées, avec leurs régimes traditionnels, échappent largement à cette spirale inflammatoire.
Par exemple, remplacer une collation 100% sucrée par une poignée de noix et un fruit à croquer est un petit geste efficace au quotidien.
Dormir et récupérer
Le sommeil recalibre nos systèmes d'alerte et élimine les signaux inflammatoires accumulés pendant la journée. Un repos suffisant favorise la régénération des muscles et la réparation des organes.
De plus, ajouter des moments de détente (respiration, méditation, contact avec la nature, échanges sociaux…) réduit le stress chronique, un facteur majeur de l'inflammaging dans nos sociétés modernes.
Stimuler le cerveau et ses relations sociales
Lire, jouer, apprendre de nouvelles compétences ou participer à des activités collectives maintient les fonctions cognitives et la résilience face au vieillissement.
Des relations sociales harmonieuses produisent des hormones du bien-être qui contrebalancent l'inflammation et améliorent la santé globale. Les populations étudiées avec les profils inflammatoires les plus favorables vivent souvent en communautés très soudées.
L’inflammaging nous rappelle que vieillir n’est ni uniforme ni inéluctable. Une part dépend de nos gènes, mais une grande part de nos choix quotidiens. Bouger, bien manger, dormir et entretenir ses relations sont des leviers puissants pour rester actif et autonome.
Pour vous aider à maîtriser votre inflammaging et préserver votre énergie, découvrez le programme tempoforme® pour les 45 ans et plus.
Il commence par une auto-évaluation simple, puis éventuellement un Bilan Bien Vieillir. La finalité est de corriger les fragilités réversibles et d’adopter les habitudes de vie les mieux adaptées pour vieillir en bonne santé.
Et comme le prouvent les populations qui vieillissent différemment, il n'est jamais trop tard pour commencer à prendre soin de votre inflammaging !
Source :
Terekhova M, Artyomov M. Rethinking inflammaging across human diversity. Nat Aging. 2025 Aug;5(8):1378-1379. doi: 10.1038/s43587-025-00933-y. Basé sur l'étude de Franck M. et al. Nat Aging. 2025.
Articles concernant RAGE :
https://chemistry-europe.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/cmdc.202400527
https://www.aging-us.com/article/102256/pdf
https://link.springer.com/article/10.1007/s10522-019-09808-3