Détecter et prévenir la sarcopénie : une démarche essentielle pour vieillir bien

Détecter et prévenir la sarcopénie : une démarche essentielle pour vieillir bien

Par Pr Eric BOULANGER - Directeur médical du programme tempoforme® 
Juillet 2024

La sarcopénie est un terme dont on parle encore trop peu, alors qu’il s’agit d’un réel enjeu de santé publique. La sarcopénie correspond à la diminution de la masse musculaire et de la force liée au vieillissement, et qui a un retentissement physique fonctionnel. En France, elle touche environ 30 % des personnes âgées de plus de 65 ans et pourrait atteindre 1 personne sur 2 après 80 ans. Pourtant, elle n’est pas une fatalité et surtout, il est possible d’agir et d’améliorer cette condition. Cet article explore ici les tests physiques simples de détection précoce et les stratégies de prévention efficaces pour maintenir une robustesse physique pour une qualité de vie optimale.

 

 

Quels sont les changements musculaires liés au vieillissement et leurs conséquences ?

Le métabolisme musculaire évolue naturellement avec l’âge. Le muscle est un tissu qui se renouvelle en permanence, mais au cours du vieillissement, la destruction des fibres musculaires dépasse légèrement la construction. 

 

Perte de masse musculaire

La réduction de la masse musculaire (encore appelée masse maigre) est une caractéristique importante de la sarcopénie. Cette fonte musculaire est très progressive et elle commence dès 25 à 30 ans, mais passe inaperçue à ce stade.

Elle diminue d’environ 30 % entre 50 et 80 ans, soit 1% par an. C’est d’ailleurs à partir de la cinquantaine qu’on commence à en ressentir les effets dans l’effort physique.

De plus, si en vieillissant, on sollicite moins ses muscles, cela entretient le phénomène pour conduire à un cercle vicieux.

 

Diminution de la force musculaire

La faiblesse musculaire est un autre signe clé en faveur d’une sarcopénie. La perte de force musculaire est approximativement d’1,5% par an entre 50 et 60 ans. Au-delà, ce chiffre peut s’élever jusqu’à 3% par an.

 

Une évolution musculaire aux conséquences fonctionnelles

La situation devient préoccupante et pénalisante lorsqu'elle s'accompagne de perturbations fonctionnelles et d’une diminution des performances physiques. Les personnes peuvent constater qu'elles ont de plus en plus de difficulté à effectuer des tâches quotidiennes, comme monter des escaliers, porter des objets lourds. 

Petit à petit, le déficit de force et la fonte musculaire dans les jambes vont entraîner des difficultés à marcher, se lever d'une chaise, voire à maintenir l’équilibre, augmentant ainsi le risque de chutes. 

Cela peut conduire à limiter les capacités à participer à des activités sociales ou de loisirs et affecter ainsi la qualité de vie : plus difficile de se déplacer, de suivre un groupe, de jardiner…

Avant d’en arriver là, il paraît important de détecter certains indices par la réalisation simple de tests cliniques.

 

 

Comment repérer le risque de perte d’autonomie fonctionnelle ?

 

Une évaluation purement clinique

Il n’existe pas de facteurs biologiques simples pour détecter la sarcopénie. Pour le diagnostic, il faut se tourner vers l’IRM qui est un examen coûteux et peu accessible. 

Dans un premier temps, on se base sur la réalisation de tests cliniques pour mesurer la performance physique des personnes. Ces tests sont faciles et rapides à réaliser.

Ils évaluent le risque de troubles de l’équilibre et de la marche, mais surtout le risque de chute et donc de fracture. 

Un résultat de test anormal ne signifie pas forcément un problème et ne permet en aucun cas de poser un diagnostic. Néanmoins, leur intérêt se trouve dans l'identification précoce d’anomalies pour permettre une action rapide et ralentir la progression. 

Il s’agit d’un signal qui invite à consulter son médecin traitant pour une prise en charge adaptée si nécessaire.

 

Test d’appui unipodal

Le test d'appui unipodal évalue l'équilibre en demandant à une personne de se tenir sur une seule jambe pendant 10 secondes1. Pour les plus de 65 ans, cette durée est réduite à 5 secondes pour être validée. Il est réalisé successivement sur chaque jambe. Ce test simple peut être effectué n'importe où.

Un temps de maintien plus court peut indiquer un risque augmenté de chutes et une diminution de la capacité fonctionnelle.

Une étude a montré que la performance réussie à tenir l’équilibre durant au moins 10 secondes en position sur une jambe est un bon indicateur des dispositions physiques ultérieures.
 

Timed up and go test

Le test "timed up and go", qui pourrait se traduire par « test de lever-marche chronométrée », est une évaluation de la mobilité et de l'équilibre

Il consiste à chronométrer le temps que met une personne à se lever d'une chaise, marcher trois mètres, faire demi-tour, revenir à la chaise et s'asseoir. 

Ce test est couramment utilisé pour identifier les risques de chute et évaluer l'autonomie fonctionnelle.

 

Test du lever de chaise

Le test du lever de chaise évalue la force des membres inférieurs et l'endurance fonctionnelle en demandant à une personne de se lever d'une chaise et de s'asseoir à 5 reprises. 

Le seuil de 14 secondes pour 5 répétitions est établi comme le seuil qui marque une altération2.

Il est utilisé pour identifier des faiblesses musculaires et les problèmes de mobilité. Les résultats de ce test peuvent aider à évaluer le risque de chutes et à planifier des interventions de rééducation.

 

Hand grip test 

Le hand grip test, ou test de serrage, est un outil qui mesure la force de prise aux membres supérieurs. C’est le seul test spécifiquement adapté à cette zone du corps en donnant une idée de la force de serrage.

Une grille de référence permet de comparer la force de préhension mesurée avec les valeurs attendues en fonction de l’âge et du sexe. 

C’est un indicateur précieux car cette force est utile dans de nombreuses activités quotidiennes, comme saisir et manipuler des objets.

 

Bio impédancemétrie

Ce terme complexe signifie simplement qu’un appareil permet de quantifier la proportion de masse grasse et de masse maigre de l’organisme. De manière globale, une répartition d’environ 70 % de masse maigre et 30 % de masse grasse est reconnue comme satisfaisante. 

D’autres paramètres sont mesurés, notamment pour préciser la masse musculaire à différents endroits clés du corps. Ces mesures apportent des indices sur la composition corporelle.

 

 

Adopter une démarche de prévention pour éviter la sarcopénie

 

L’importance d’une bonne ration de protéines quotidienne

Une alimentation variée, et qui passe par le plaisir, est essentielle. Dans le cas de la prévention de la sarcopénie, il y a une catégorie de nutriments sur laquelle il faut mettre l’accent : les protéines.

Elles constituent les éléments de base des muscles, et une carence peut entraver la capacité de l’organisme à réparer et à construire du tissu musculaire.

Après 60 ans ou 65 ans, les apports en protéines recommandés sont de 1 à 1,2 g de protéines par kilo de poids corporel. Ces recommandations sont supérieures à celles de 0,8 g/kg/jour, destinées aux adultes plus jeunes et en bonne santé.

Mais une alimentation sans exercice physique associé ne suffit pas.

 

Bouger et se renforcer est la clé

Un mode de vie sédentaire peut accélérer la perte musculaire. L'inactivité physique réduit la stimulation des muscles, ce qui conduit à leur atrophie, particulièrement après 50 ans. Les muscles doivent travailler régulièrement.

Il est crucial de maintenir un niveau d'activité physique régulier pour préserver sa masse musculaire3. Endurance et renforcement musculaire (donc des exercices contre résistance) sont les 2 axes d’intervention à privilégier pour éviter la survenue de la sarcopénie.

Cela passe par des exercices musculaires simples à faire quotidiennement pour entretenir l’équilibre, la marche et la force.

Bien sûr, ces exercices standards doivent être adaptés aux capacités de la personne et aux douleurs articulaires si elles existent.

 

Dans le cadre du programme tempoforme®, il nous apparaît essentiel de détecter les signes d’une fragilité musculaire et de l’équilibre.

La sarcopénie en elle-même ne fait pas mal. Au-delà d’être méconnue, c’est aussi pour cette raison qu’elle est fortement sous-diagnostiquée.

De la même façon qu’on parle d’ostéopénie et d’ostéoporose pour l’os, il est probable qu’on parlera de sarcopénie et de sarcoporose dans un futur proche.

En détectant tôt, grâce aux tests, nous pouvons intervenir de manière préventive. Cela permet de mettre en place des programmes adaptés de renforcement musculaire, d'exercices d'équilibre et d’ajustements nutritionnels. En effet, il est indispensable d’associer l’activité physique et les protéines pour fabriquer du muscle.

L’objectif est évidemment de conserver une autonomie fonctionnelle pour les gestes du quotidien et la sécurité dans les déplacements qui vont de pair avec un vieillissement réussi.


 

Sources :

1. Araujo CG, de Souza E Silva CG, Laukkanen JA, et al. Successful 10-second one-legged stance performance predicts survival in middle-aged and older individuals. Br J Sports Med. 2022;56(17):975-980. 

2. Gonzalez-Bautista E, Barreto P de S, Salinas-Rodriguez A, et al. Validation of the Integrated Care for Older People Screening Tool: Focus on the Chair Rise Test to Assess Locomotion. Innov Aging. 2021;5(Suppl 1):73.

3. Shen Y, Shi Q, Nong K, et al. Exercise for sarcopenia in older people: A systematic review and network meta‐analysis. J Cachexia Sarcopenia Muscle. 2023;14(3):1199-1211.

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